François de Casabianca, ingénieur agronome, nous a fait le plaisir de venir débattre avec nous lors du café citoyen qui a eut lieu le Vendredi 6 mai au théâtre Sant Angelo à Bastia sur le thème l'économie de la Corse et son développement.
Il pointait les inerties ou dysfonctionnements qui entrave le bon développement de l’île dans son ouvrage « Corsica Mia ». Il y retrace ses combats contre les plans de mal-développement de l’île.
Extraits de la revue ROBA - une interview de 2021.
Le développement ne peut se réduire en aucune façon à des critères techniques ou économiques (…).Pour moi le développement doit être « global », c'est-à-dire qu'il doit intégrer aussi profondément le social, l’équilibre du milieu naturel et la culture, ou alors ce n’est qu’un leurre ; j’essaie de l’expliquer dans Corsica mia.
Les divers acteurs sociaux de base doivent en avoir conscience et doivent se mobiliser pour y participer, pour l’orienter et le gérer, avec des méthodes et à travers des structures appropriées.(…)
Jusqu’à présent, on peut dire que la Collectivité territoriale de Corse puis la Collectivité de Corse ne s’est pas saisie du pouvoir qui lui était délégué. A part quelques opérations limitées, on n’a pas vu émerger une vision d’aménagement ni de développement (le foncier en est une illustration). Au-delà de quelques déclarations de principe, nulle décision concrétisant une volonté de développement.
Les Offices, créés pour mettre en œuvre de telles volontés se sont contentés de capter et distribuer des financements nationaux, et l’électoralisme a été le critère déterminant, partagé avec les structures professionnelles. Cela a été particulièrement criant dans le domaine agricole. Excepté quelques actions imposées de l’extérieur, tout a été orienté vers une politique d’assistance, ce qui est un véritable cancer pour le développement.(…)
En Corse, l’abandon massif de l’agriculture dans les zones de montagne a des conséquences très graves, car le maquis a pris possession de ces espaces. Au-delà du danger des incendies – qui sont appelés dans le futur à prendre des dimensions spectaculaires, comme on le voit ailleurs – c’est tout un patrimoine naturel (la châtaigneraie) et l’essentiel de notre patrimoine gastronomique qui seront perdus si on ne prend pas les mesures permettant de préserver un minimum de ces espaces agricoles et assurer les conditions d’une vie sociale en montagne pour de jeunes agriculteurs. En Castagniccia, avec A Rustaghja, on a vu comment des milliers de militants avaient pu se mobiliser avec enthousiasme dans cet esprit quand se sont présentées les conditions d’une prise de conscience locale aidée par la Recherche(…).
Dans les études comparatives menées, en particulier en Italie et en Espagne, il ressortait clairement que de tels dynamismes locaux s’appuyant sur des structures appropriées et une politique volontariste permettaient de retrouver une vie rurale productive, gestionnaire du milieu et épanouissante.
Bien sûr il ne s’agissait pas de vouloir revivre les conditions d’un passé idéalisé, mais une société certes moins dense, s’appuyant sur des activités traditionnelles mais avec des techniques et moyens modernisés, sur des bases foncières réaménagées, tout en restant fidèles à ses valeurs et sa culture.
Des expériences positives ont eut lieu comme la reconversion du vignoble Corse vers les productions typiques de qualité, impliquant le sauvetage et la mise en valeur de variétés traditionnelles corses. Sans avoir au départ de compétences particulières en la matière, j’ai pu – avec l’appui éclairé de la Ministre de l’Agriculture de l’époque – aider une poignée de viticulteurs de Patrimoniu à engager ce pari contre la majorité des autres professionnels du secteur : on a pu créer un Centre de Recherche performant (le CIVAM Viticole, devenu aujourd’hui le CRVI) qui les a aidés dans ce sens, qui est arrivé peu à peu à convaincre les autres viticulteurs et qui a mis au point les perfectionnements techniques indispensables (cela continue).
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